Je viens à l’origine du monde de l’illustration, j’ai toujours éprouvé une grande admiration pour le travail des graveurs du XIX^e et des illustrateurs américains comme Bernie Wrightson. Je me revois hachurer le blanc de mon papier à dessin de ma plume anglaise mouillée de cette encre noire et profonde. Déjà le noir et blanc, les paysages tourmentés, bousculés par les éléments, la recherche du mouvement dans les formes et les lignes habitaient mes travaux. Et puis la vie professionnelle a pris le dessus, les travaux de commande, en couleur cette fois, m’ont fait abandonner petit à petit mon engouement pour
le « dessin de lumière » quand l’ombre révèle et dessine les contours, les paysages.

Mes premiers pas photographiques s’effectuèrent pendant mon enfance. Mon père était un passionné qui nous entraînait sur les chemins escarpés des Alpes l’été, chargés comme des baudets, et nous conviait l’hiver à l’alchimie révélatrice de son labo, partageant avec nous ses enthousiasmes, ses images que je revois séchant sur la corde à linge dans l’appartement familial. Je suis pourtant resté longtemps « à côté » de la photo, rechignant même parfois à effectuer moi-même les clichés dont j’avais besoin dans mon cadre professionnel.

Finalement c’est le Cotentin, où je vis désormais, qui m’a « soufflé » ce retour aux sources à plus d’un niveau.
Un retour à la photo, bien sûr.. Un retour aux paysages qui m’ont toujours hantés et où les circonstances de la vie m’ont autorisé à m’installer… Un retour enfin à la magie secrète et mystérieuse du Noir et Blanc qui s’est imposé naturellement, comme une évidence…
Une re-naissance quelque part…

« De lumière et de vent » c’est le nom que j’ai donné à mes travaux, dont la plupart des photos présentées sur ce site sont extraites, et c’est surtout l’expression des émotions que j’essaie de partager à travers mes images.
Je ne cherche pas, dans ces travaux, à décrire mon environnement, ma région, mais plutôt à suggérer, à inviter le spectateur à pénétrer au cœur de l’image et à la faire sienne, ouvrant ainsi une porte sur l’imaginaire et à ressentir, à son tour, les éléments ; sentir la force du vent qui sculpte et façonne, l’odeur saline des embruns, la danse changeante de la lumière qui recrée les paysages en les hachurant d’ombres, en dissimulant ou révélant telle ou telle forme.

Sans doute la boucle est-elle bouclée, je retrouve dans mon travail photographique actuel le feeling de mes débuts d’illustrateur. J’ai juste finalement troqué un pinceau de lumière pour un autre. Un pinceau différent qui me permet d’aller encore plus loin dans l’approche que j’ai de l’image. De nouveaux horizons se dessinent, s’éclairent. Je ne suis qu’au début du chemin, le chantier est ouvert et tout reste à faire.

Bruno Mercier La Hague | Make Your Own Book